Les 16 statues des apôtres et des évangélistes qui avaient été déposées quelques jours à peine avant l’incendie de Notre-Dame ont fait l’objet d’une restauration minutieuse ces deux dernières années, sous la maîtrise d’ouvrage de la DRAC Île-de-France. Elles seront désormais visibles à la Cité de l’architecture & du patrimoine jusqu’à leur réinstallation sur la flèche rebâtie.
Suite au concours de la restauration de la cathédrale remporté par l’architecte Eugène Viollet-le-Duc, la construction de la flèche est autorisée en 1858. Les statues des apôtres sont installées en 1861. Dessinées par Viollet-le-Duc, elles sont modelées par son sculpteur attitré Adolphe Geoffroy-Dechaume. Quatre types de corps sont retenus pour les apôtres. Seules les mains, les attributs et les têtes changent. Geoffroy-Dechaume réalise un modèle en plâtre à l’échelle 1, divisé en plusieurs fragments. Ensuite, l’atelier de fonderie Durand (puis Monduit) moule et coule chaque partie en fonte de fer. Une plaque de cuivre est appliquée sur la forme en fonte et frappée avec des maillets pour en épouser complètement le relief. Les morceaux sont soudés entre eux. Une ossature en fer assure le maintien et la solidité de l’ensemble fiché sur un axe assurant la liaison avec l’édifice.
Si les étapes de la restauration de la flèche depuis sa conception sont connues, celles des statues restent énigmatiques car non mentionnées dans les archives. Lors de la restauration des crêtes de faitages en 2010, la statue du lion, symbole de l’évangéliste Marc, avait été déposée depuis l’échafaudage en place. Confiée au Laboratoire de recherche des monuments historiques pour analyses, ces dernières montrèrent une corrosion des armatures intérieures en fer et un début de dislocation et d’ouverture des feuilles de cuivre. L’eau pénétrant par l’enveloppe déchirée attaquait inexorablement l’armature de fer, la transformant en rouille. A cela s’ajoutait une altération chimique par électrolyse entre le cuivre et le fer. Quelques réparations inesthétiques étaient visibles. Une première étude fut menée sur la restauration des statues en 2013 par Benjamin Mouton, architecte en chef des monuments historiques. En 2014, le diagnostic de Philippe Villeneuve, architecte en chef des monuments historiques, mit en lumière le mauvais état de la couverture en plomb de la flèche observé lors de la réfection du paratonnerre. La décision fut prise de restaurer l’intégralité de la flèche. Si la charpente bois était en bon état, de nombreuses altérations mécaniques du plomb étaient révélées, fissures, déchirures, casses, impacts, déformations, dislocation des assemblages, ouvertures des pinces, défauts de fixation et de fabrication.
Les statues sont déposées le 11 avril 2019 par l’entreprise Socra chargée de la restauration, sous la maîtrise d’œuvre de Philippe Villeneuve et sous la maîtrise d’ouvrage de la DRAC Île-de-France. Chaque grande statue pèse à peu près 150 kg et mesure environ 3,40 m. Etêtées quelques jours auparavant, afin d’accrocher des sangles à leur structure interne, elles sont déboulonnées sans difficulté. En atelier, la restauration suit un protocole précis. Un berceau est fabriqué pour coucher chaque statue et éviter toute déformation. Les feuilles de cuivre sont désassemblées en partie afin d’extraire l’armature. Celle-ci est dessinée dans ses moindres détails, puis révisée. Les parties les plus altérées ou disparues sont remplacées à l’identique par des pièces forgées. La structure doit épouser parfaitement la forme de la sculpture. Certaines armatures sont substituées en totalité. Tous les éléments sont métallisés et peints pour les rendre plus pérennes. Ils sont isolés du cuivre par du téflon, supprimant tout risque d’électrolyse. L’armature est fixée à l’intérieur de la statue par des petites pattes telles qu’elles existaient auparavant, en augmentant leur nombre pour plus de sécurité. Les enveloppes de cuivre désassemblées sont relevées avec précision. Un décapage complet est opéré par microgommage à la poudre de noyau d’abricot afin d’ôter l’oxydation vert-de-gris et remettre le métal à nu. Les déformations sont reprises au marteau. Les quelques trous sont bouchés par des rustines, même technique que précédemment. Les feuilles intégralement conservées, sont ensuite soudées entre elles au millimètre près. Pour la patine finale, le souhait était de retrouver la couleur d’origine des statues au moment de leur pose.
Le projet de reconstruction de la flèche d’Eugène Viollet-le-Duc et les photographies prises peu de temps après par Mieusement ou Marville montrent parfaitement cette couleur brune, des sculptures plus sombres que la toiture. L’examen des photographies précise un changement de teinte au début du XXe siècle. Le rapport s’est inversé, des statues claires devant une toiture foncée. Lors de la restauration des années 1935-1937, seul moment où les statues pouvaient être atteintes, des rustines furent installées par endroits et une sorte de patine, découverte sur l’échafaudage, appliquée pour uniformiser l’état de surface. La nouvelle patine couleur bronze a fait l’objet de plusieurs essais à froid ou à chaud. La technique choisie est celle de l’application d’une première couche de dichromate de sodium puis de barège, un produit soufré, au pinceau et chauffé au chalumeau. Les soudures s’effacent alors. Une cire protectrice est appliquée sur toute la surface. Cette patine vibrante préserve des reflets sous-jacents.
Source et photo : Drac Ile-de-France