Archeodunum, entreprise française spécialisée dans l’archéologie préventive, mène des fouilles prescrites par la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes depuis le 3 avril 2017 sur la commune de Sainte-Colombe (Rhône) en préalable à la construction d’immeubles sur une parcelle de 5500 m2. Le site est implanté dans un quartier suburbain de la ville antique de Vienne situé sur la rive droite du Rhône. Les investigations ont révélé un quartier entier de la ville romaine de Vienne où se mêle espaces publics, riches demeures et espaces artisanaux. À l’origine prévue pour durer 6 mois, la fouille va être prolongée jusqu’au 15 décembre 2017 suite au classement du site en « découverte exceptionnelle » par le ministère de la culture.
Un premier espace public est aménagé dans la seconde moitié du Ier siècle. Ce complexe public prend la forme de séries de boutiques dédiées à la production artisanale (métallurgie, vente de denrées alimentaires, etc…) et situées en arrière d’un puissant portique qui entoure une place de 2500 m2 dotée d’un bassin d’agrément. Un réseau hydraulique complexe vient compléter ces aménagements et permet le nettoyage des tabernae et le drainage de la place. Un entrepôt est également édifié sur la place. Incendié au début du IIe siècle, il est encore plein des marchandises qu’il contenait : cruches et amphores à vin de la vallée du Rhône. Cet ensemble architectural correspond sans doute à une place de marché de 4500 m2 entourée de boutiques dédiées à la production artisanale, et destinée à accueillir les marchants itinérants qui venaient vendre leurs productions. L’incendie qui a détruit cet ensemble a permis de préserver les sols du rez-de-chaussée et des étages effondrés, ainsi que le mobilier abandonné en place lorsque les occupants ont fui la catastrophe, transformant ce secteur en une véritable petite Pompéi viennoise.
À la suite de l’incendie violent qui ravage le quartier au début du IIe siècle, un nouvel édifice public vient supplanter la place de marché. Il est constitué d’une fontaine monumentale disposée au centre d’une place bordée de portiques/basiliques (20 m de large) soutenus par de puissants piliers. Ce complexe, qui se développait en bordure du Rhône sur une superficie de près de 7000 m2, correspond sans doute à une schola qui accueillait probablement une école philosophique et/ou rhétorique déjà connue à Vienne par les inscriptions, mais jamais localisée. Elle a été reconnue dans son intégralité et nous livre une décoration soignée, comme en témoigne la découverte d’une vingtaine de mosaïques et de sols en marbres. Le pavement d’un cubiculum (bureau) de 16 m2 constitue sans doute le plus bel exemple puisqu’il est doté d’une mosaïque dont le médaillon central représente l’enlèvement de Thalie, la muse de la comédie, par Pan, une divinité de la suite bachique.
Une seconde domus organisée autour d’un vaste jardin est en cours d’exploration plus au nord. Elle a été détruite par un incendie dans la première moitié du IIe siècle, préservant sa riche décoration ainsi que ses étages effondrés sur les sols du rez-de-chaussée. Le péristyle est bordé de galeries ouvertes sur un jardin avec un bassin à abside et couvertes d’une terrasse au sol mosaïqué effondrée en place. Son triclinium (salle de banquet) est décoré d’une mosaïque du Ier siècle représentant les fameuses bacchanales, cortège de bacchantes et de satyres enivrés autour de Bacchus, illustrée par 15 tableaux.
Les abords de la voie de Narbonnaise sont bordés par un portique monumental donnant sur des immeubles de rapport particulièrement bien préservés. Les incendies successifs et l’encaissement de ces édifices par rapport au quartier ont permis de préserver leur élévation sur près de 1,60 m, avec plus de 3 m de stratigraphie couvrant presque trois siècles d’occupation. Ces espaces constituent une occasion unique de documenter avec précision l’architecture, les activités économiques et domestiques, ainsi que le mobilier employé dans ces édifices, qui devaient constituer l’essentiel des bâtiments domestiques des grandes villes antiques.
Photos : Archeodunum