L’Autorité de la concurrence a rendu le 26 janvier 2011 une décision par laquelle elle prononce des sanctions à hauteur de 10 millions d’euros à l’encontre de 14 entreprises très connues dans le secteur patrimonial pour s’être réparties la quasi-totalité des marchés publics de restauration des monuments historiques dans trois régions : Basse-Normandie, Haute-Normandie et Picardie. Des ententes ponctuelles ont également été mises en place dans les régions Aquitaine, Bourgogne, Nord-Pas-de-Calais et Île-de-France. Les éléments du dossier transmis par le juge pénal (auditions, documents saisis et écoutes téléphoniques) ont révélé l’existence de « tables rondes », au cours desquelles les sociétés se répartissaient les chantiers régionaux après consultation de la programmation annuelle établie par la DRAC. Dix des vingt premières sociétés françaises du secteur ont pris part à ces ententes. Le principe consistait à répartir les chantiers de la région entre les entreprises locales. Chacune faisait part de ses «souhaits » et obtenait une quote-part du montant annuel des marchés passés par la DRAC. Ce partage obéissait à un critère géographique, les entreprises privilégiant les chantiers proches de leur lieu d’implantation afin de limiter les frais, et à un critère fondé sur l’historique de l’entreprise, chacune restant sur le monument sur lequel elle avait l’habitude de travailler. La répartition tenait aussi compte du niveau d’activité des entreprises, c’est-à-dire des chantiers déjà obtenus et des consultations futures. Avant le dépôt des offres, des échanges d’informations avaient lieu entre les entreprises pour «mettre en musique » les ententes et garantir ainsi l’attribution des marchés telle qu’elle avait été arrêtée. Des offres de couverture étaient aussi sollicitées auprès d’entreprises extérieures à la région visant notamment à « faire nombre » et donner l’apparence d’un degré de concurrence élevé auprès du maître d’ouvrage. En « échange de ce service », ces dernières étaient à leur tour couvertes dans leur région d’intervention. Ces pratiques, de l’aveu de nombreux dirigeants, étaient une « tradition » dans le secteur de la restauration des monuments historiques. Les éléments recueillis attestent que les trois ententes régionales ont été mises en uvre pendant au moins près de cinq ans en Haute-Normandie (d’avril 1997 à février 2002), plus de quatre ans en Basse-Normandie (de décembre 1997 à février 2002) et près de quatre ans en Picardie (février 1998 à octobre 2001) avec pour conséquence d’élever artificiellement le montant des offres. Dès le démantèlement des ententes, les prix des prestations fournies par les mêmes entreprises ont d’ailleurs fortement baissé (de plus de 20 % en moyenne). En faussant le jeu de la concurrence sur la quasi-totalité des chantiers lancés dans ces régions , les entreprises ont affecté particulièrement les comptes publics, les maîtres d’ouvrage étant à titre principal l’État, parfois pour le compte de particuliers, et des collectivités territoriales.