Après 18 mois de travaux pour la réhabilitation de l’ancienne École Nationale d’Art Décoratif d’Aubusson suivie de plusieurs semaines d’aménagement intérieur, la Cité internationale de la tapisserie vient d’ouvrir ses portes au public.
Ces travaux ont été menés sous la direction de l’agence d’architecture Terreneuve, associée au cabinet de muséographie Paoletti & Rouland. Une équipe choisie à l’issue d’un concours en 2012 qui avait une proposition ambitieuse : celle de construire un espace d’exposition aux dimensions monumentales par une rperise en sous-oeuvre du bâtiment, c’est-à-dire en creusant sous le bâtiment existant cette salle : « la Nef des tentures ».
L’École Nationale d’Art Décoratif (ENAD) d’Aubusson, créée en 1884, fait partie, avec Limoges et Paris, des trois premières Écoles Nationales d’Art Décoratif qui ont ouvert leurs portes en France à la fin du XIXème siècle. Le bâtiment dans lequel la Cité internationale de la tapisserie prend place a été construit en 1969, d’après les plans de l’architecte Robert Danis. Le complexe comprenait à l’origine deux bâtiments : l’internat et l’externat. Ce dernier constitue un ouvrage emblématique de l’identité d’Aubusson.
La Cité internationale de la tapisserie n’est pas seulement un musée. C’est aussi un espace de formation, de création, un centre de ressources. Toutes ces fonctions se nourrissent les unes des autres et cette complémentarité a été au fondement de la réhabilitation du bâtiment et de son aménagement.
La Nef des Tentures
Espace-phare du nouveau parcours permanent d’exposition de la Cité internationale de la tapisserie, la Nef des Tentures est une invitation à voyager au travers de six siècles de productions en tapisserie d’Aubusson. Finie la présentation des tapisseries comme des peintures : cet espace de 600 m2, dont les dimensions répondent au gigantisme des tapisseries, propose un parcours chronologique. La scénographie, signée Frédérique Paoletti et Catherine Rouland, évoque, grâce à des décors inspirés du théâtre, l’époque d’origine des tapisseries pour une véritable immersion dans l’univers tissé d’Aubusson.
La construction de cet espace a constitué le tour de force technique du chantier. L’ENAD était bâtie sur un terrain en pente, avec une aile principale sur pilotis en partie haute. L’agence Terreneuve a donc imaginé d’agrandir le bâtiment dans l’emprise de ce volume, en creusant, afin de dégager la hauteur de 7 mètres voulue pour la Nef des Tentures.
Une identité forte au bâtiment par les finitions et les façades
À l’intérieur, certains espaces ont été conservés quasiment en l’état. C’est le cas de l’amphithéâtre de 190 places, situé au rez-de-chaussée, ou encore du centre de ressources, qui a pris place dans l’ancienne bibliothèque de l’ENAD, dont le mobilier, constitué entre autres de fauteuils Bertoïa et de chaises Jacobsen, a été réutilisé. La structure originelle poutre-poteau de 4 mètres de côté ea elle aussi été conservée (sauf dans la Nef des Tentures) mais adaptée à de nouveaux usages, par exemple en créant une double hauteur dans le hall d’accueil. Les anciennes cloisons abattues sont matérialisées par des mosaïques de carrelage. Un jardin clos, imaginé par la paysagiste Armelle Claude, a été créé entre les deux niveaux afin de donner à la Nef un éclairage naturel. Ce dispositif a également rendu possible la création d’un hall d’accueil unique au niveau bas, ouvert à la fois sur le parvis à l’avant du bâtiment et le jardin à l’arrière. La réalisation a été techniquement complexe puisqu’il a fallu construire des poutres de reprise supportant les deux niveaux supérieurs pour s’affranchir de la trame des poteaux existants de 4×4 mètres et libérer une largeur de 12 mètres entre les nouveaux poteaux. Cette opération délicate est le fruit du travail Bureau d’études techniques Khephren. Elle a permis de libérer ce vaste espace.
Des surfaces de réserves optimisées
Le déménagement au sein du nouveau bâtiment de la Cité internationale de la tapisserie a permis d’agrandir les surfaces de réserves et ainsi d’améliorer les conditions de conservation des oeuvres de la collection. S’agissant d’un chantier en réhabilitation, il a fallu s’adapter aux contraintes du bâtiment pour l’aménagement. C’est un système de cantilevers qui a été choisi pour concevoir les meubles des réserves afin de gérer au mieux le gigantisme des tapisseries. Certains meubles ont été fabriqués spécialement pour les oeuvres en dépôt. La Cité de la tapisserie dispose désormais d’une zone de travail sur les collections, une nouveauté par rapport à l’ancien musée. Ceci permet de travailler quotidiennement sur les pièces (études scientifiques, conservation, conditionnement) alors que, jusqu’à présent, ce n’était possible que le mardi, jour de fermeture.
Un chantier hors-normes
Le chantier a fait mentir les ratios habituellement admis pour la construction d’un musée en France. Alors que ce type d’opérations dure en général au moins 5 ans entre la désignation des candidats et l’ouverture au public, 3 ans et 10 mois auront suffi pour la Cité internationale de la tapisserie. De même, le mètre carré aura coûté 1 200 € HT en travaux purs, chiffre bien inférieur aux habituels 2 000 à 2 500 €. Même constat pour la muséographie : le mètre carré d’exposition est estimé à environ 1 000 € HT.
Photos : © Cité internationale de la tapisserie