De l’activité ardoisière, il ne subsiste rien. Si ce n’est que quelques cavités souterraines et « verdoux ». Pourtant, du 17ème au 20ème siècle, ce ne sont pas moins de 300 points d’extraction qui ont été dénombrés dans la région ardennaise. Du plateau de Rocroi (Ardenne occidentale) aux Hautes-Fagnes, l’activité ardoisière fut essentielle, modelant le visage de la région et de ses mineurs.
Parce que les extractions et les espoirs déçus ont rythmé le quotidien de plusieurs générations de mineurs, façonné les paysages et dominé l’économie de la région des deux côtés de la frontière, nous avons souhaité revenir sur le travail de l’ardoise, le quotidien des ardoisiers, de l’apogée de cette industrie à son déclin.
Première ardoisière française
Si l’Anjou est réputée pour sa production florissante d’ardoises, les Ardennes, françaises et belges, ont connu elles aussi leurs heures de gloire. Les ardoisières du massif ardennais furent d’ailleurs les premières ardoisières françaises. Léon Voisin affirme, à ce propos, que « l’utilisation des schistes ardennais remonte (…) à la Préhistoire ». A cette époque, « il ne s’agit pas d’ardoises pour les toits mais de fragments schisteux (…) dont on suppose qu’ils ont pu faire office de dallage. » S’ils n’ont pas bénéficié d’une grande longévité, les gisements ardennais ont toujours suscité de l’intérêt.
300 points d’extraction
Les historiens font état de 300 points d’extraction répartis des deux côtés de la frontière, qui ont réellement fourni des ardoises et laissé des traces dans les paysages ardennais. Des points d’extraction majoritairement établis dans des vallées.
Côté français, ces bassins sont essentiellement réunis au nord du département : Rimogne, Fumay et Haybes. L’ensemble des ardoisières du département employait au milieu du 19ème siècle, 1862 ouvriers, dont 854 pour la seule Société des ardoisières de Rimogne et de Saint-Louis-sur-Meuse. Toutefois, l’importance de l’Ardenne Française est toute relative au regard, notamment, de la production nationale.
Côté belge, les gisements sont concentrés dans le sud de l’Ardenne. On peut citer l’ensemble Oignies-L’escaillère, le bassin de Vielsam, le groupe de la Basse-Semois (Alle-Rochehaut et Fays-les-Veneurs). Neufchateau, Herbreumont et Martelange.
Une histoire mouvementée
Liés par leurs sols, ces deux côtés de la frontières sont également unis par une même trame historique. Une naissance qui trouve ses sources à la même époque. Probablement à la préhistoire et certainement à l’époque gallo-romaine. En effet, des débris d’ardoises ont été retrouvés lors de la fouille sur les territoires belges et français. Mais, de chaque côté de la frontière, il faut attendre le 12ème siècle pour retrouver de nouvelles preuves d’extraction. Sans refaire toute la chronologie des ardoisières des Ardennes, des événements tels que la Révolution française, la guerre franco-allemande de 1870, l’ouragan de mars 1876, les deux guerres mondiales ont inévitablement marqué l’activité des ardoisières.
C’est aussi à travers l’histoire des ardoisières que ce sont dessinés des pans entiers de la vie sociale, économique et culturelle. Les bassins tels que Fumay, Rimogne, Alle ou encore Herbreumont ont connu un développement considérable au cours du 19ème siècle. A l’exception de quelques fosses importantes, l’activité ardoisière fut en général de courte durée, du fait de la nature des gisements.
S’ajoute à cela, l’industrialisation, l’arrivée de nouveaux matériaux moins coûteux à l’achat et à la pose, la concurrence de fosses plus rentables… ont porté de sérieux coups à l’activité des Ardennes. En Ardenne française, toute l’activité cessera en 1971, à Rimogne. Côté belge, l’ardoisière Warmifontaine cessera définitivement toute activité à la fin des années 90.