Depuis sa création en 1994, la société Art graphique et Patrimoine a su asseoir une solide et durable réputation de sérieux et de fiabilité dans les domaines pointus de la photogrammétrie et du multimédia appliqués aux patrimoines culturel, historique et monumental. Outre des interventions techniques de relevés sur des centaines de monuments français et européens, léquipe assure également des missions de formation en dessin architectural sur le patrimoine bâti et en dessin sur logiciels DAO auprès des services de lInventaire dans les DRAC. Nous avons dialogué avec Gaël Hamon, lun des dirigeants, afin de faire le point sur la situation technique et économique du secteur.
Trois grandes technologies
Il existe trois grandes technologies, employant trois types de scanners différents. Tout dabord, la lasergrammétrie par temps de vol. Dans ce cas, un faisceau est émis par le scanner. Ce faisceau met un certain temps à toucher la surface visée, et à en revenir. Cest ce temps daller-retour qui permet de calculer la distance parcourue. Le scanner ayant mémorisé langle sous lequel le faisceau a été envoyé, il connaît, en trois dimensions, le point quil vient de déterminer. Cette technique du temps de vol est la plus ancienne dans lhistoire de cette technologie, et elle est toujours très largement utilisée pour les relevés des longues distances, entre 50 et 400 mètres.
Gaël Hamon souligne : « Quand nous travaillons sur des tours très hautes, ou dans des sites où la configuration architecturale ou géographique impose que nous soyons postés assez loin, cest parfait. Le point 3D ainsi obtenu est très propre, et il est possible daffiner les résultats. » La seconde technologie, cest le décalage de phase : une onde laser est envoyée sur la surface. Cette onde, qui présente une certaine oscillation, va revenir avec une phase différente lorsquelle aura frappé son objectif. Ce décalage de phase entre laller et le retour donne les distances et les angles du local sur lequel on travaille, en trois dimensions. « Cest une technique particulièrement intéressante pour les mesures de lintérieur des bâtiments, ajoute Gaël Hamon. La précision est aussi très différente de la première méthode : le temps de vol peut aller, en moyenne, jusquà 50000 points/seconde, tandis que le décalage de phase offre une plage allant de 500000 à 1 million de points/seconde. Cest dire que lopération est rapidement effectuée. Le décalage de phase permet de relever des surfaces à de plus courtes distances, la précision de cette technique nétant pas optimale pour les longues distances. Le technicien scanne à 360°, et quelques minutes à peine suffisent pour relever toute une pièce. »
Lumière structurée et triangulation laser
Enfin, la troisième approche : alors que les deux premières techniques délivrent des mesures sur une échelle comprise entre 1mm et 1cm environ, les relevés de précision à lumière structurée et triangulation laser offrent des résultats compris entre 1mm
et 5/10 de millimètre. De quoi sagit-il ? « Un bloc optique est couplé à un système de projection de bandes de lumière, dit notre interlocuteur. Ces bandes balaient littéralement la surface à mesurer, laquelle peut présenter des reliefs extrêmement complexes, comme des sculptures ou des statues. » Loptique triangule et restitue en trois dimensions exactement ce que la lumière structurée balaie. La triangulation laser présente les mêmes caractéristiques, à la différence près quun rayon laser, et non pas une lumière, balaie la surface à étudier.
Un marché en constante évolution
Le marché des scanners, surtout ceux prévus pour les longues distances, est en évolution constante. Certes, ces matériels représentent des investissements lourds pour les entreprises, mais ils donnent des résultats très fiables. En outre, leur utilisation peut être de nos jours quasiment quotidienne, dans de nombreux domaines, ce qui facilite leur amortissement. Gaël Hamon apporte son témoignage : « En fait, les industriels ont tellement amélioré les systèmes quaujourdhui presque tous les géomètres en possèdent. Cest un secteur beaucoup plus démocratisé quauparavant ; il y a quelques années, seules quelques entreprises en disposaient. Aujourdhui, lacquisition des données est à la portée de pratiquement nimporte quel professionnel. » Malgré toutes les sophistications et les avancées de la science, un matériel nest cependant quun outil, qui permet de créer et dengranger des bases de données. Encore faut-il maximiser les résultats ainsi obtenus. « Cest précisément ce qui fait notre force, et notre spécificité, insiste Gaël Hamon. Les clients sont essentiellement et traditionnellement des architectes, mais de plus en plus de propriétaires sadressent à présent directement à nous : ils ont besoin de mesures précises pour connaître exactement leur patrimoine. De nombreux intervenants ont voulu se positionner sur ce marché, souvent en cassant les prix dans des proportions impressionnantes. Mais les clients ont vite déchanté. Notre différence sexprime dans la façon dont nous traitons les données, ce qui nest pas, pour le coup, à la portée de tout le monde. Cest notre savoir-faire qui est rare, pas les machines. Cest pourquoi cette démocratisation ne nous inquiète absolument pas. Lutilisation du scanner sur le terrain est dépendante du choix dexploitation des éléments récoltés. Il nest pas simplement question dappuyer sur un bouton. »
En somme, loutil prolonge la main, et loutil nest rien sans lesprit. Cela ne vous rappelle-t-il pas une grande tradition patrimoniale ?
S. V.