Difficile d’imaginer, devant ces murs ravagés par les dégradations des vandales et un affichage sauvage pléthorique, dans un environnement peu propice à la détente contemplative, lun des lieux prestigieux jadis les plus courus de Paris. Et pourtant, le Louxor est lun des rares exemples encore en place darchitecture de style néo-égyptien, qui fut dune beauté étonnante. Inauguré le 6 octobre 1921, on le doit à larchitecte Henri-André Zipcy, dont ce fut la seule uvre. On y présentait alors des films muets mis en musique par un orchestre, entrecoupés de numéros de music-hall. Le succès fut tout de suite au rendez-vous, et la grande capacité de létablissement plus de 1000 places suffisait à peine à satisfaire les spectateurs qui sy pressaient. Comme la déclaré Bertrand Delanoë en avril 2010 lors de lannonce du projet de restauration,
« loriginalité et le style de cette salle mythique enrichissent le patrimoine de notre ville. Cest un fragment de lhistoire culturelle de notre capitale ».
Grandeur et décadence
En octobre 1981, la toiture et les façades du Louxor furent inscrites à lInventaire supplémentaire des Monuments historiques. Mais cest là un exemple tristement probant du fait quune reconnaissance patrimoniale parfaitement officielle ne suffit pas pour préserver un bâtiment de la déchéance. Depuis 1954, létablissement appartenait à Pathé, qui le revend en 1983 à la société Textile Diffusion. Les beaux jours sont loin. Entre 1983 et 1987, à trois reprises, des boîtes de nuit tentent de sinstaller dans les lieux. Rien naboutit. Le Louxor, abandonné, nest plus alors quun repaire glauque dindividus peu recommandables. Dailleurs, dès les années 1970, le cinéma était déjà devenu un endroit plutôt louche. Il faut attendre 2003 pour que la municipalité de Paris le rachète et envisage de mettre un terme à cette descente aux enfers. Le permis de construire, clé de la renaissance de ce bel édifice si malmené, a été délivré en janvier 2010.
Les travaux de restauration
Le projet ne consiste pas seulement en une restauration de certains éléments existants, mais bien en une réhabilitation complète qui implique un redéploiement des espaces, le tout sinscrivant dans une volonté de revalorisation du quartier par lapport dune offre culturelle novatrice. En ce qui concerne le sauvetage et la remise en valeur des parties patrimoniales, le chantier, placé sous la responsabilité de larchitecte Philippe Pumain, va consister à revivifier tous les décors intérieurs peints, les motifs égyptiens et les faux marbres. Notons que ces peintures avaient été masquées par des thèmes néo-grecs dans les années 1930, puis elles-mêmes encore transformées vers 1950. On va donc se reporter à létat dorigine. Ces travaux se dérouleront dans la grande salle, le porche, lescalier principal et le hall. À lextérieur, sur les façades, la tâche est encore plus importante : il sagit, après nettoyage des surfaces, de restaurer les inscriptions et la peau en granito, les splendides mosaïques, les grilles ornées. Les vitraux des baies, qui avaient disparu, seront refaits. Les grands mâts évocateurs des temples antiques seront replantés.
Le parti pris architectural
Pour la réorganisation des espaces intérieurs, Philippe Pumain prévoit la création de trois salles de cinéma Art et Essai dont la programmation sera vouée aux « cinémas du Sud » avec des cycles thématiques et des reprises de festivals ainsi quune zone dexposition de 34m² au premier étage et une partie restauration de 35m² avec terrasse. La grande salle, baptisée du nom du fameux réalisateur égyptien Youssef Chahine, aura une capacité de 342 sièges. Notons que lécran dorigine sera conservé : il est peint à même le mur. La seconde salle pourra recevoir 140 spectateurs, et la troisième comportera 74 sièges. Ces deux dernières salles sont situées en sous-sol. La réouverture du Louxor au public est prévue pour le premier semestre 2013.
S. V.