Une fouille préventive qui s’inscrit dans le projet de construction d’un immeuble de logements par l’Adim Paca (Groupe Vinci) à Marseille a mis au jour une carrière qui a été exploitée à partir du VIe siècle avant notre ère. Sur ce site de la Corderie, l’extraction du calcaire dit « de Saint-Victor » a laissé des traces sur près de 6 m de haut. Exploitée pendant plusieurs décennies aux VIe et Ve siècles avant notre ère, la carrière a été abandonnée et comblée dans le premier quart du Ve siècle.
Les carriers grecs extrayaient aussi bien des blocs de grand appareil que des éléments architecturaux circulaires de différents diamètres. Les archéologues ont surtout retrouvé les preuves d’une activité consacrée à la production de cuves et de couvercles de sarcophages. Le site livre même toutes les étapes de la chaîne opératoire, depuis l’ébauche, le tracé de calepinage préalable à la taille, jusqu’à la cuve : l’une d’elles, achevée mais défectueuse, a été abandonnée sur place. Au cours du IIe siècle avant notre ère, l’extraction de la carrière reprend sur une brèche calcaire différente. Plusieurs blocs de grand appareil, entièrement détourés, ont été abandonnés sur place en raison de défauts de la roche qui interdisaient leur mise en œuvre dans des constructions monumentales. Ponctuellement, les archéologues ont identifié une reprise d’extraction encore plus récente, peut-être d’époque romaine ; elle est accompagnée d’un graffiti sur une paroi rocheuse qui pourrait correspondre à un compte de carriers.
Le calcaire de la Corderie conserve l’empreinte d’outils utilisés durant toute l’Antiquité et jusqu’à une période récente : pic, escoude, coins et leviers. Le principe d’extraction est également resté le même pendant plus de deux millénaires : dégagement périphérique du bloc au moyen de tranchées de havage, puis insertion de coins à sa base pour le séparer de son substrat.
Si l’utilisation du calcaire « de Saint-Victor » est bien attestée dans les constructions de Massalia, c’est la première fois que l’un de ses gisements est découvert. Devant l’importance de cette découverte, Françoise Nyssen, ministre de la Culture, a annoncé début août 2017 la conservation et la mise en valeur de la zone la plus remarquable de ces vestiges antiques en la rendant accessible au public et leur protection prochaine au titre des monuments historiques soit environ 600 m2 sur les 4200 que compte le site. Cependant, les habitants du quartier et des militants d’un collectif citoyen souhaiteraient que le site soit classé dans son intégralité, valorisé en jardin des vestiges ou en musée à ciel ouvert. Ils ont été reçus par la ministre le 22 août qui n’a pas donné de réponse quant à une protection totale du site. Des réunions sont prévues au niveau local en cette fin août pour faire avancer ce dossier qui risque d’animer Marseille pendant quelques temps.
Sources : Inrap, Drac, La Provence
Photos : Vue générale de la carrière grecque archaïque et deux cuves de sarcophages inachevées et abandonnées.
© Denis Gliksman, Inrap 2017.