Ce bâtiment remarquable est issu de l’addition successive de quatre entités architecturales : l’hôtel Gaillard, l’acquisition des hôtels Berger et Thann, et la construction du volume Defrasse lors de la transformation par la Banque de France. Notre intervention vise à révéler cet assemblage pour fonder un équipement culturel lisible et attrayant. L’implantation de la fonction bancaire, au moyen de l’architecture de Defrasse, a su préserver l’esprit de l’existant tout en imposant une fonction exogène. Cette restructuration fait partie intégrante de l’histoire du bâtiment. En évidant l’interstice hôtel Gaillard/volume Defrasse, il s’agit pour nous, aujourd’hui, de dévoiler les façades d’origine et de dégager la structure très pure de l’architecture de Defrasse. Cette intervention, par soustraction des éléments de liaison, permet d’aérer l’ensemble et vise à améliorer la clarté du dispositif.
La nouvelle vision architecturale
Ce nouvel espace interstitiel participe à la mise en scène du volume Defrasse telle une entité isolée au centre de la cour historique. De même, la mise en valeur de la douve périphérique laisse courir les eaux dans ce qui devient une rivière intérieure. Elle constitue un élément singulier du musée, un repère spatial et un élément identitaire, que l’on parcourt pour accéder aux divers lieux, permettant au visiteur une perception globale du bâtiment. La nacelle et le pont mobile, autrefois simples éléments fonctionnels, sont aujourdhui révélés au public et deviennent des événements scénographiques essentiels. Une verrière couvre la cour historique reconstituée : la lumière réfléchie par les grandes surfaces opaques du volume Defrasse est diffusée sur les anciennes façades de lhôtel Gaillard, ainsi que dans les différents volumes autour de la cour. L’ambiance lumineuse de ce lieu entre les différentes parties historiques du bâtiment lui confère une atmosphère calme, accueillant des fonctions importantes autres que scénographiques telles que l’escalier menant au foyer et à l’amphithéâtre, ou le café. On attribue une grande importance à cet espace interstitiel, avec une ambiance de confort sensiblement paradoxale compte tenu de sa nature de « dedans/dehors ». Depuis cet espace, on découvre les architectures du site, les façades de lhôtel Gaillard, le volume Defrasse, et la nouvelle verrière, élément de liaison entre les différents siècles. Cette fente ainsi pratiquée libère des espaces fluides en rez-de-chaussée, offre des points de vue dynamiques et apporte, depuis la terrasse réaménagée, sur toute la hauteur, une lumière naturelle. Les couvertures chaotiques de zinc et de verrières actuelles sont transformées en une terrasse praticable donnant à voir non seulement les toitures originelles, mais également la fente interstitielle créée et les aménagements des étages inférieurs.
Importance de la dimension urbaine
Notre intervention architecturale reste très respectueuse du bâtiment, de son architecture et de son histoire. Dans cette logique, il nous semble évident de tout faire pour respecter l’entrée historique de l’hôtel Gaillard sur la place du général Catroux. Il paraît indispensable d’attirer l’attention sur l’entrée du musée comme il paraît intéressant de rattacher celui-ci à la rue qui l’accueille. Nous avons ainsi travaillé le projet dans sa dimension urbaine en imaginant un confortement de la logique axiale du bâtiment avec une marquise contemporaine. Ce signal du musée sur l’espace public exprime l’évolution et la nouvelle affectation, et offre un confort d’usage en relation avec le fonctionnement du musée. En prolongement de cette réflexion, nous avons imaginé une évolution possible de l’espace public avec la mise en oeuvre d’un « parvis ». Une requalification de la voie longeant le nouveau musée sous la forme d’une allée permettrait d’unifier des espaces aujourd’hui morcelés.
Les choix muséographiques
L’orientation muséographique s’exprime sous la forme d’une mise en tension entre l’imposante image d’une architecture exceptionnelle et la scénographie. L’inscription de la muséographie s’effectue selon une certaine neutralité en totale prise d’appui sur la morphologie du bâtiment. Une syntaxe de mobilier très sobre est au service d’une ergonomie d’usage. Vitrines, mobiliers accueillant les médias, totems graphiques, réalisation de cimaises en miroir sans tain, ou verre sablé, agissent à la manière de masques translucides lorsqu’un effacement momentané du décor est nécessaire. Pas de concurrence inutile, mais l’entretien permanent d’une subtile collaboration de différents vocabulaires, pour élaborer une scénographie contemporaine, innovante et ludique. L’image obtenue devient emblématique, au service dun propos éducatif développé par des médias résolument technologiques et à fortes valeurs attractives et pédagogiques. Au regard des caractéristiques volumétriques du bâtiment, la trame du propos irrigue lédifice selon la chronologie établie. Des îlots médiatiques assurent la bonne distribution des thématiques tout au long du parcours. Cette impulsion programmatique va générer la troisième vie du bâtiment. La destination muséale et d’apparat d’origine, puis la fonction bancaire qui a suivi, confortent une mutation naturelle vers cet espace de l’économie et de la monnaie. La convergence et le juste équilibre entre l’intervention architecturale, patrimoniale et muséographique, permettront de révéler la nature composite de cet ensemble, et d’exprimer ce renouvellement sur l’espace urbain. Environ 100 000 visiteurs annuels sont attendus, dont 50 % de scolaires. L’ouverture au public de la Cité de l’Économie et de la Monnaie est prévue pour le quatrième trimestre 2014. Yves Lion/François Confino Qui finance ?La Banque de France est à l’origine du projet de la Cité de l’Économie et de la Monnaie. Elle le finance entièrement. Une convention de coopération de long terme a été signée avec Universcience, pour la mise au point d’expositions communes favorisant la compréhension de l’économie par le grand public et, notamment, les jeunes. Une convention a également été signée avec l’Institut pour l’éducation financière du public (IEFP) en vue de la réalisation d’outils et d’actions pédagogiques sur les finances personnelles. Des collaborations se sont aussi engagées avec plusieurs institutions françaises détentrices de collections numismatiques.
L’hôtel Gaillard : une architecture néo-Renaissance en plein Paris
En 1878, le commanditaire de cet hôtel particulier, Émile Gaillard, avait demandé à son architecte, Victor-Jules Février, de s’inspirer d’édifices ligériens, notamment l’aile Louis XII du château de Blois et le château de Gien. Achevé en 1882, l’hôtel Gaillard est, depuis, considéré comme l’un des chefs-d’oeuvre de l’art néo-Renaissance avec ses fenêtres à meneaux, ses lucarnes, son briquetage, ses toits d’ardoise couronnés de dentelles métalliques, ses clochetons ouvragés. À l’intérieur, demeurent les nombreux éléments de décoration fixés au bâtiment, réunis par le collectionneur Gaillard (décors, cheminées et boiseries des 15e et 16e siècles provenant de divers châteaux et édifices détruits). En 1902, au décès d’Émile Gaillard, ses descendants dispersent ses collections d’objets d’art. En 1904, ils mettent en vente le bâtiment, qui est finalement acheté par la Banque de France en 1919. Celle-ci charge l’architecte Alphonse Defrasse et le décorateur Jean-Henri Jansen de l’aménager en une succursale, qui ouvre en 1923. Tout en respectant le lieu et son esprit d’origine, ces aménagements apportent une juxtaposition des époques néo-Renaissance et début 20e siècle/Art déco. Les extensions entreprises par la Banque de France ont consisté à insérer, dans la cour des hôtels particuliers d’Émile Gaillard, un grand hall pour accueillir la clientèle et une salle des coffres de grande sûreté. Celle-ci se développe sur deux niveaux. Elle est protégée par des douves, encore aujourd’hui en eau, et accessible par un pont roulant, ce qui fait de ce lieu secret un des sites les plus étranges de Paris. L’hôtel Gaillard a été inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 1999.
Les acteurs du chantier Conception architecturale : Ateliers Lion Scénographie et muséographie : François Confino Restauration lots MH : Éric Pallot, ACMH Conception technique : Y Ingénierie Conception de léclairage : Culturetech Conception du graphisme : Crocodile Conception et production audiovisuelle : Studio K Designer : Alexandco Ingénierie environnementale : Transsolar Conseil sécurité incendie et accessibilité : Casso & associés Acoustique : Impédance