Des dizaines de milliers d’altérations sur la Tapisserie de Bayeux

Classée Monument Historique depuis 1840 et inscrite depuis 2007 au registre « Mémoire du Monde » de l’UNESCO, la Tapisserie de Bayeux est considérée aujourd’hui comme le plus important monument des arts textiles de la période romane, mais aussi comme un témoignage capital sur la conquête de l’Angleterre par le duc Guillaume de Normandie en 1066 qu’elle relate.

Un constat d’état a été réalisé par une équipe de huit restauratrices spécialisées dans les textiles anciens durant le mois de janvier 2020. L’examen direct de l’œuvre a nécessité sa manipulation afin que l’équipe des restauratrices puisse faire ses observations sans l’interface de la vitrine. L’objectif de l’étude préalable était de dresser un constat d’état précis des dégradations ou interventions survenues au cours des siècles pour améliorer la connaissance matérielle de l’œuvre et optimiser ses conditions de conservation. Chaque altération repérée a été reportée directement sur le Système d’Information Documentaire Spatialisé (SIDS), développé sur-mesure pour la l’ouvrage. Les 68,38 mètres de longueur de la Tapisserie ont fait l’objet d’un examen attentif. Chaque jour, chaque restauratrice étudiait environ 1 mètre de la broderie et de son support en toile de lin pour en analyser les dégradations.

À l’issue de son étude, l’équipe des restauratrices a notamment relevé 24204 taches, 16445 plis, 9646 manques dans la toile ou les broderies, 30 déchirures non stabilisées, une fragilisation plus importantes des premiers mètres de l’œuvre. Certaines altérations sont les témoins de l’Histoire de l’œuvre, elles seront donc conservées à moins qu’elles ne constituent un risque d’aggravation de son état. À titre d’exemple, la présence de trous de clous inhérents à d’anciens accrochages, des réparations de la toile réalisées dans le passé, ou encore des tâches de cire provoquées par l’éclairage à la bougie dans la cathédrale, ont pu être répertoriées. Dans le cadre du projet de rénovation du musée, le comité scientifique en charge du suivi des opérations de conservation-restauration a estimé qu’une restauration de l’œuvre était nécessaire. Elle devrait être programmée à l’horizon 2024 quand l’établissement muséal actuel devra fermer ses portes au public pour entrer en phase de travaux. Le but de cette opération sera de stabiliser les altérations structurelles telles les déchirures, de procéder à un dépoussiérage précis de l’œuvre et surtout de limiter les tensions pesant aujourd’hui sur la toile de lin médiévale, causées notamment lors de restaurations anciennes. Dans le cadre de la rénovation du musée, la DRAC de Normandie est aujourd’hui engagée dans la commande d’une étude afin de déterminer les modalités d’extraction de l’œuvre de son lieu actuel et les conditions de sa restauration ; les caractéristiques d’une nouvelle vitrine de présentation pour l’œuvre. Cette nouvelle vitrine devra permettre d’optimiser les conditions de conservation et d’exposition de ce chef d’œuvre du Moyen Age.

 

Photo : ville de Bayeux