Il semble que le village de Saint-­Bris, dans l’Yonne, peuplé d’un peu plus de mille habitants, doive son appellation à un martyr chrétien, un certain saint Prix. Quant au qualificatif « vineux », il est, on s’en doute, lié à la principale économie locale, et a été ajouté au cours de la Révolution. Le chantier de cette maison à un étage appartenant à la famille Bersan concerne la réfection globale du bâtiment : la façade, une partie des murs, la charpente et la couverture. À l’intérieur, il s’agissait à l’origine d’un espace ayant servi d’habitation et de stockage de matériel agricole. En sous-­sol se trouve un véritable labyrinthe de caves immenses, datant des XIe et XIIIe siècles.

Le projet architectural
Le projet architectural consiste à réaliser au rez-de-chaussée une zone d’accueil pour les clients, ainsi qu’une partie bureau réservée à l’administration. Au premier étage, on crée une vaste aire élégante destinée à devenir une salle pour les réunions et les réceptions. Pour parvenir à ce résultat, les travaux ont été considérables, compte tenu du fait qu’il fallait à la fois respecter au maximum la structure ancienne et son charme d’antan, et transformer complètement l’aspect du lieu pour lui attribuer de nouvelles fonctions. C’est l’entreprise ­Defrance qui s’est chargée des lots maçonnerie, couverture et carrelage, une petite entreprise locale de sept personnes enthousiastes, très bien implantée dans la localité, rompue aux chantiers patrimoniaux. Jean-­Louis ­Defrance explique : « La structure est familiale depuis bien longtemps. Jadis, nous réalisions surtout des cuves à vin en béton, mais maintenant, je me consacre au bâti ancien pour les particuliers. Et dans ce secteur, en maçonnerie, je n’ai eu que du bonheur ! »

La préparation des planchers
Au premier étage, le sol était auparavant recouvert de vieux carrelage, beaucoup trop abîmé pour qu’on puisse songer à le réemployer. Jean-­Louis ­Defrance décrit le travail effectué : « Il a fallu vider complètement les planchers, en ne laissant en place que le solivage. Les poutres anciennes ont été réparées, sablées, puis protégées par une lasure. Les piquets de vigne qui servaient de coffrage entre les solives afin de couler la terre de remplissage ont été déposés. Ils ont été remplacés par des planches sur lesquelles une chape de béton armé a été coulée. » Notons que certaines poutres, trop défectueuses, ont été changées. Les sols de l’étage et le rez-de-chaussée ont tous deux été recouverts de carreaux : 105m2 en haut, en pose collée, et un peu moins en bas, en pose sur chape ciment.

Les carreaux de Courboissy
Les propriétaires ont opté pour les carreaux des Terres cuites de Courboissy, une tuilerie traditionnelle fondée en 1890, située également en Bourgogne, à Charny, dont la qualité est reconnue et appréciée dans le monde patrimonial. La gamme comporte quatre collections : Dicy, Chevillon, Prunoy et tout simplement Courboissy. C’est ce dernier modèle qui a été posé sur ce chantier. ­Olivier ­Brunet, le dirigeant de la fabrique, souligne les spécificités de sa production : « Le carreau Courboissy est réalisé avec une argile rouge et présente au final un aspect un peu flammé. Pour l’obtenir, nous utilisons des fours anciens à flamme renversée, ce qui permet de faire une réduction à la fin de la cuisson. Il faut quarante heures environ pour atteindre la température de 1150°C nécessaire à une cuisson adéquate. » Mais avant la cuisson, il y a la préparation de chaque carreau. ­Olivier ­Brunet précise : « Nos carreaux sont pressés, alors que beaucoup d’autres sont étirés. Au début de l’opération, on prépare des pains d’argile, qui sont coupés à la corde à piano, technique ancestrale qui crée des irrégularités de surface. Puis l’on presse chaque galette dans une vieille presse, une par une, ce qui offre un cachet certain. Nous obtenons ainsi un carreau très légèrement bombé, qu’on laisse sécher sur des clayettes pendant environ trois semaines. Enfin, c’est à l’issue de cette longue période de séchage naturel qu’arrive le moment de la cuisson. Le positionnement des pièces dans le four s’effectue lui aussi à la main, carreau après carreau, avec soin. » La pose peut s’effectuer selon différents procédés : par collage, par scellement, ou sur un lit de chaux et de sable.

La protection des carreaux
Afin de ne pas polluer les carreaux au cours de la réalisation des joints, des précautions doivent être prises. Jean-­Louis ­Defrance dévoile la façon de procéder : « En fait, il existe plusieurs techniques possibles. Une fois les carreaux collés, on étend sur toute la surface du lait de vache, ou une cire. Puis on applique le mortier de joints, et on lave. Ainsi, le mortier n’adhère pas au carreau lui-­même. » La finition consiste à appliquer un hydrofuge, et c’est tout. Le sol se patinera naturellement avec le temps, renforçant d’autant son bel aspect à l’ancienne.
Les carreaux des Terres cuites de Courboissy sont posés dans des châteaux prestigieux (Versailles, Chambord, Faullin…), des sites religieux mémorables (abbaye de Saint-­Germain, église de Sainte-Geneviève-des-Bois…), et des musées (Fontainebleau). Mais, comme on le voit ici, ils satisfont aussi pleinement les propriétaires privés de demeures anciennes soucieux de mettre en œuvre des matériaux de qualité.

S. V.