De l’extraction à ciel ouvert à l’exploitation souterraine

DSC1770Comme pour les autres régions ardoisières, l’activité avant le Moyen-Âge relève plus du ramassage que de l’exploitation régulière. En revanche, la multiplication des édifices religieux au 12ème et 13ème siècles engendre de nouveaux besoins. En effet, les « escailles » semblent être le seul don d’une nature relativement ingrate en Ardennes.
Face à l’enrichissement des moines, des exploitations laïques naissent, passant de petites excavations individuelles à des fosses plus importantes et plus nombreuses. Le regroupement en confréries des exploitants laïcs dès 1466 démontre le foisonnement de l’activité de l’époque. De chaque côté de la frontière, ce type d’exploitation perdurera jusqu’à l’époque contemporaine. Ainsi, certaines fosses belges, et notamment celles de la région de Vielsam, seront exploitées à ciel ouvert jusqu’à la fin du 19ème siècle. Toutefois, ce type d’exploitation est mal adapté aux gisements ardoisiers de l’Ardenne occidentale et particulièrement aux gisements français, caractérisés par des veines minces (souvent inférieurs à 10 mètres) et fortement inclinées.
Le passage à l’extraction souterraine n’est pas évident pour autant. Il faut en effet repenser entièrement les techniques d’extraction et assurer la sécurité des mineurs. Ainsi, l’extraction de la veine ardoisière du « Grand Rimogne » fut exploitée en « descendant », dès le début du 18ème siècle : « Les mineurs s’attaquent à ce qu’ils ont sous les pieds et, plus souvent encore, sous les genoux », précise Léon Voisin. C’est alors, l’exploitaiton « par tailles chassantes et gradins renversés ». Les spécialistes font également état de l’exploitation à accès immédiat à la veine (ex: l’Ecaillette de Monthermé), d’accès à travers-bancs (ex: La Providence, près de Haybes) : « Il s’agissait en quelque sorte de réaliser un cheminement à travers la couverture de la veine ardoisière. » On note également l’existence de puits verticaux bien que cette technique fut peu exploitée en Ardenne occidentale.

Mécanisation

La mécanisation de l’extraction est favorisée dès la fin du 19ème, notamment car l’inclinaison très prononcée de la schistosité rendait le travail difficile et obligeait à disposer d’une main d’oeuvre importante.

Globalement, les exploitations vont évoluer avec l’évolution des besoins en énergie : pompage à bras, utilisation des chevaux, des machines hydrauliques, l’équipement des fosses en machines à vapeur, l’arrivée de l’électricité (La grande fosse de Rimogne serait d’ailleurs la première à être équipée d’une centrale électrique)… Des évolutions qui impactent le travail des mineurs et la fabrication des produits de couverture et de l’ardoiserie.

Les techniques

20130620151008399_Page_5 Les premières fosses à ciel ouvert et les ardoisières souterraines ne furent, au moins jusqu’à la fin du 18ème siècle, peu consommatrices d’énergie. Le travail manuel des hommes (mais aussi des femmes et des enfants) a longtemps suffi pour le creusement des puits, le forage des galeries, le cabotage, le levage des longuesses, l’abattage au toit, le débitage… Toutes ces étapes sont réalisées à l’aide d’outils très simples qui accompagneront les hommes des tréfonds jusqu’à la fin de l’exploitation ardoisière.

En règle générale, l’évolution lente des techniques est liée à la modestie des besoins énergétiques. Toutefois, il est un domaine où l’évolution des techniques a été nécessaire, notamment parce que les efforts y étaient importants et non directement rentables : l’exhaure, c’est-à-dire le pompage de l’eau pour garder les mines en service. L’exhaure variait de 25m3 à 500m3 selon les fosses !

20130620151008399_Page_6L’évolution des techniques suit naturellement l’évolution des découvertes. Du pompage à bras (technique utilisée jusqu’en 1869 au moins et souvent dédiée aux femmes) à l’arrivée de l’électricité, les évolutions furent … lentes ! En effet, l’utilisation des chevaux ne semble débuter que vers 1750 ! Le grand progrès fut alors l’arrivée de la machine hydraulique, composée d’une roue à augets avec engrenage démultiplicateur). A Rimogne, les deux premières roues furent installées quelques années avant la Révolution.
Quant à la machine à vapeur, son efficacité était quasi identique à celle de la machine hydraulique. De plus, elle souffrait de quelques carences telles que le manque d’eau pendant les périodes de sécheresses ou de gel intense. Notons également que ces deux machines ne pouvaient être installées uniquement si un ruisseau à pente suffisante était à proximité des fosses…

Puis, l’électricité fit son apparition. Avec l’installation de la première centrale à la Grande Fosse de Rimogne. A Vielsam, au début des années 1900, la création d’une société locale d’électricité permis de faciliter le levage et le pompage en contrebas des travers-bancs d’extraction. Ce sont les ardoisières de la région de Martelange qui ont le mieux utilisé cette nouvelle énergie, favorisé par la nature et la géométrie des gisements : haveuses, éclateurs hydrauliques, marteaux pneumatiques, appareils de levages et même éclairages électriques (rappelons que l’usage de la chandelle a duré au moins jusqu’en 1905). Toutefois, il n’y aura d’éclairage électrique dans les fosses ardennaises uniquement là où l’énergie électrique est nécessaire en tant que force motrice.

20130620151008399_Page_2