« Une critique classique faite aux organisations professionnelles d’employeurs est de toujours tout voir en noir, d’être excessivement pessimistes. La comparaison entre nos prévisions de décembre 2013 pour 2014 et la réalité démontre le contraire de manière indubitable. Nous avions prévu un recul de l’activité de 0,4 %, l’année se soldera sur un recul de 4,3 % ! », ainsi Jacques Chanut, Président de la FFB, commence-t-il son discours de présentation du bilan de l’année 2014.
L’année 2014 poursuit donc le mouvement de déclin amorcé en 2008 et quasi continu depuis, hormis le léger rebond de la production en 2011. L’écart avec la prévision d’activité de décembre 2013 (-0,4 %) s’explique principalement par une progression du PIB plus faible que prévue (+0,7 % anticipé, contre +0,4 % réalisé), avec son corollaire de conséquences sur l’emploi, le chômage et le moral des acteurs. En effet, le rebond espéré pour la seconde moitié de l’année 2014 ne s’est pas produit, plaçant alors l’économie française en territoire proche de la récession. Le décalage entre prévision et réalisation se retrouve d’ailleurs du côté de l’investissement tel que décrit par la Comptabilité nationale : sa modeste progression prévue en début d’année (+0,3 %) s’est finalement transformée par un net recul (-1,9 %).
Un seconde raison au décalage réside très probablement dans la multiplication d’annonces gouvernementales, pas toujours bien maîtrisées, qui a très certainement provoqué de l’attentisme de la part des donneurs d’ordre. Ainsi, l’instruction fiscale concernant les taux réduits de TVA n’a été publiée que le 25 février 2014, soit près de deux mois après leur entrée en vigueur, provoquant le report de nombre de chantiers. Par ailleurs, l’encadrement des loyers prévu par la loi Alur a découragé l’engagement de travaux par les bailleurs, puisqu’ils étaient menacés de ne pouvoir répercuter ces coûts sur les loyers. Enfin, l’annonce dès le mois de juin de l’amélioration du Crédit d’impôt développement durable (CIDD), devenu Crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) le 1er septembre 2014 mais dont les textes d’application seront publiés après la promulgation de la Loi de finances pour 2015, soit, au mieux, d’ici la fin de l’année 2014, a de nouveau conduit au report de certains chantiers. Il faudrait encore évoquer, du côté du non-résidentiel, le serpent de mer que finit par constituer le décret sur l’obligation de travaux énergétiques dans le tertiaire dont, début septembre, la publication a été annoncée à l’horizon de la fin 2014. Dans l’attente de ce texte, nul doute que certains investisseurs ont bloqué des projets de travaux. Pour toutes ces raisons, la contribution du bâtiment à la croissance du PIB n’a pas atteint le niveau escompté, bien au contraire, puisque, selon l’Insee, la formation brute de capital fixe en construction (l’investissement) a reculé de 3,9 % en glissement annuel sur les trois premiers trimestres de l’année. Plus précisément, l’activité sur le marché des logements neufs a poursuivi son repli en 2014, avec une chute de 10,3 % de la production en volume, faisant suite à une correction de 7,9 % en 2013, malgré des taux d’emprunt historiquement bas. Il faut toutefois noter que la production nouvelle de crédit sur le marché du neuf n’a reculé « que » de 2,6 % à fin novembre sur une année glissante.
L’année 2015 ne sera toujours pas celle de la reprise pour le bâtiment. En effet, l’activité reculera encore de 0,4 %, hors effet prix. En détail, le logement neuf (-0,1 %) atteindrait son point bas avec une très légère hausse de ses mises en chantier (304 000 unités, en date de prise en compte), mais ce ne serait pas le cas du non- résidentiel neuf (-7,9 %) qui crèverait alors son plancher historique. A noter que sans les mesures bénéfiques de relance annoncées en 2014 par le Gouvernement, le logement neuf poursuivrait lui aussi son repli. La seule véritable bonne nouvelle proviendrait du marché de l’amélioration-entretien dont l’activité augmenterait de 1,5 % en volume, sous l’effet du nouveau CITE et malgré la baisse du prix du baril de pétrole. S’agissant de l’emploi, la forte baisse d’activité observée en 2014 pèserait à plein en 2015, d’autant que l’espoir de reprise s’éloigne. C’est pourquoi 30 000 emplois seraient à nouveau détruits en 2015.
Pour amplifier la relance du logement neuf et donc du bâtiment, un nouvel allongement des durées de différé de remboursement de PTZ+ paraît hautement souhaitable. De même, il paraît indispensable que les collectivités locales ne sur- réagissent pas en termes d’investissement à la baisse des dotations de l’ûtat. Par ailleurs, il importe de renforcer la lutte contre la concurrence déloyale qui pèse sur les prix et fragilise durablement des entreprises déjà affaiblies par sept années de crise.