Les salariés ont historiquement fait l’objet de nombreuses études consacrées à leurs conditions de travail ¬ñ une attention dont n’ont pas bénéficié jusqu’ici les chefs d’entreprises artisanales du BTP. A travers la réalisation du 1er baromètre ARTI Santé BTP, la CAPEB, la CNATP et le pôle d’innovation IRIS-ST se mobilisent pour livrer un panorama de l’état médical des artisans du bâtiment sur leurs conditions de travail. Avec plus de trois mille répondants, cette enquête nationale a suscité un engouement tout particulier auprès des artisans, confortant l’intérêt de cette étude, tant pour les acteurs de la Branche, que pour les artisans eux-mêmes. Bien que la majorité des artisans du BTP s’estiment en bonne santé (80%), des indicateurs nous alertent sur la fragilité de leur état de santé physique et psychologique.
Stress conjoncturel
Les artisans du bâtiment ne sont pas épargnés par le stress : plus d’1 artisan sur 2 estime être très régulièrement stressé. Une perception très proche des autres dirigeants de PME1. Le stress est directement lié aux problèmes de gestion de l’entreprise (trésorerie, fortes variations de l’activité et faible visibilité sur l’avenir, poids de l’administratif,…). Il résulte aussi de facteurs conjoncturels, en période de crise économique. Il a des effets multiples sur la santé des artisans, notamment sur leur sommeil : ils sont ainsi 45% à avoir une mauvaise qualité de sommeil et 59% à se déclarer fatigués, contre 46% des dirigeants tous secteurs confondus1. Un constat peu surprenant dans la mesure où 80% des artisans travaillent souvent, voire très souvent, dans l’urgence !
Un métier exigeant
Les artisans interrogés déclarent à 95% que leur activité est exigeante mentalement. Une perception issue de la diversité des tâches que l’artisan effectue tout au long de la journée sur le chantier ou en atelier mais aussi au bureau.
Absence de suivi médical
La santé physique et psychologique des artisans du bâtiment fait l’objet d’un suivi médical moindre auprès de la médecine de ville ; trois artisans sur quatre déclarent ne pas être suivis médicalement vis-à-vis de leur activité professionnelle… Contrairement aux salariés où le suivi médical est assuré de droit par un service de santé au travail, les artisans, en tant que travailleurs indépendants, ne bénéficient pas de dispositif spécifique. Il n’existe donc peu, voire pas, de suivi préventif : les consultations sont d’ordre curatif, la visite chez le médecin étant généralement motivée par une douleur manifeste…et donc parfois quand il est déjà trop tard.
Rythme de travail soutenu
En tant que chef d’entreprise, un artisan s’investit beaucoup dans son entreprise. Pour près d’un artisan sur cinq (21%), cet investissement est trop lourd, avec plus de 60 heures par semaine consacrées à l’entreprise, et plus de 50 heures pour un artisan sur deux. Les week-ends ne sont pas en reste, puisque 46% des artisans déclarent travailler régulièrement le week-end… Quant aux congés annuels, ils sont généralement de courte durée : un artisan sur trois prend deux semaines maximum.
Dans un contexte économique difficile où la visibilité est réduite et où les carnets de commande se remplissent à moins de 2 semaines, il n’est pas rare que les artisans décident de « sacrifier » des congés pour réaliser un chantier impromptu.
Emprise de la vie professionnelle sur la vie personnelle
89% des artisans déclarent que leur vie professionnelle empiète sur leur vie personnelle et 82% regrettent de n’être pas suffisamment disponibles pour leur entourage du fait de leur activité professionnelle. 96% d’entre eux déclarent d’ailleurs garder un contact avec leur activité professionnelle pendant les congés ou week-ends, l’usage des nouvelles technologies favorisant la sensation exprimée par les artisans « d’avoir toujours un fil à la patte ! ».
Cette porosité permanente entre le bureau et la maison est un facteur de stress supplémentaire, alors qu’un cloisonnement étanche de la vie privée serait un facteur protecteur du stress.
Les conjointes d’artisans sont très impliquées dans la vie des entreprises artisanales (50% des entreprises interrogées). A ce titre, elles assument des missions inhérentes à la vie de l’entreprise : comptabilité, gestion des ressources humaines,… cette particularité de l’entreprise artisanale, de travailler en famille, induit un entremêlement des considérations professionnelles avec celles de la vie privée, ce qui peut être source de déséquilibre.
Comment améliorer les conditions de travail des artisans du BTP ?
A l’aune de ce premier état des lieux des conditions de travail des artisans du BTP, la CAPEB propose des pistes de travail et recommandations pour répondre à l’urgence d’une situation jusqu’ici mal appréhendée et méconnue :
– L’élaboration d’un dispositif national de suivi statistique des accidents du travail et des maladies professionnelles des travailleurs indépendants,
– La mise en place d’un suivi médical professionnel périodique pour les travailleurs indépendants en vue de détecter les maladies professionnelles et les premiers signes de souffrance au travail,
– L’élaboration d’un dispositif d’aide à la détection des signes de stress et de burn out pour les artisans et leurs conjoints, directement impliqués dans leurs activités professionnelles.
La sécurité, au coeur des préoccupations des artisans
Les artisans prennent la pleine mesure de leurs responsabilités en matière de prévention des risques professionnels. L’image de l’artisan ne se préoccupant pas des aspects de sécurité sur ses chantiers est donc bien révolue ¬ñ en particulier en ce qui concerne ses salariés : 98% des artisans déclarent ainsi être attentifs aux questions de sécurité vis-à-vis de leurs salariés, tandis que 62% déclarent être attentifs aux questions de sécurité vis-à-vis d’eux-mêmes. Pour preuve, ils n’hésitent pas à préserver leurs salariés : 73% des artisans se réservent, en effet, les tâches les plus à risques. De plus, près de 3 artisans sur 4 déclarent respecter les obligations réglementaires au travers du DU (document unique) imposé à toutes les entreprises employant du personnel. Ils sont 76% à avoir investi au cours de deux dernières années pour améliorer la prévention.