Le général d’armée Jean-Louis-Georgelin, représentant spécial du président de la république, président de l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris répond à nos questions.
Une nouvelle charpente en bois pour Notre-Dame de Paris : était-ce une évidence ?
Avec les Architectes en chef des Monuments historiques, nous avons proposé à la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, le 9 juillet dernier, des partis de restauration à l’identique : les charpentes en bois de chêne, la couverture du grand comble en plomb et la restitution de la flèche de Viollet-le-Duc. En cohérence avec la charte de Venise et la doctrine patrimoniale, ces partis de restauration permettent non seulement de préserver l’authenticité, l’harmonie et la cohérence de ce chef-d’œuvre de l’architecture gothique, mais aussi d’en garantir les meilleures qualités structurelles et plastiques. Rappelons que l’enjeu est de rendre à Notre-Dame de Paris une charpente qui traverse les siècles ! Les Français et le monde entier retrouveront la cathédrale qu’ils aiment, en 2024.
Avant d’envisager la restauration, il a fallu déjà consolider l’existant, notamment avec les immenses cintres en bois destinés à soutenir les voûtes, pouvez-vous nous décrire cette opération ?
Cette méthode d’étaiement, courante dans les travaux de sauvegarde de monuments historiques, prend, à Notre-Dame, un caractère inédit. Au-dessus des échafaudages montés dans le vaisseau central sur 27 mètres de hauteur, six voûtes sexpartites du chœur, de la nef et du transept nord sont consolidées à l’aide d’une soixantaine de cintres en bois, conçus sur mesure à Jarny, en Meurthe-et-Moselle. Un système de vérins hydrauliques innovant permettant un levage progressif et précis a été mis au point pour l’occasion, chaque cintre pesant 1 à 1,6 tonne. Cette dernière opération importante de la phase de sécurisation a commencé début mars et s’achèvera cet été.
La reconstruction de la charpente a-t-elle commencé ? Quelles sont les actions à venir ?
En parallèle de la fin de la phase de sécurisation, nous préparons activement la restauration. Les mille chênes nécessaires à la restitution des charpentes de la flèche, du transept et de ses travées adjacentes qui viennent d’être récoltés. Toute la France s’est mobilisée pour cette opération ! L’ensemble des chênes a été généreusement offert par les forêts publiques et privées. Je tiens à remercier très chaleureusement les donateurs ainsi que l’ensemble des membres de l’Interprofession nationale France Bois Forêt qui se sont pleinement mobilisés à nos côtés pour identifier les chênes présentant les qualités techniques requises et en organiser la récolte. Fort de ce soutien déterminant, il reste maintenant à scier les bois, qui seront ensuite stockés pour être séchés pendant 12 à 18 mois. Ils pourront alors être transportés vers les ateliers de charpentiers attributaires des marchés de travaux qui seront conclus.
Est-ce que des recherches sont menées sur les restes calcinés de la charpente ? Peuvent-elles nous apprendre des choses sur les savoir-faire français ?
Les vestiges des voûtes, des charpentes et des couvertures calcinées ou détruites représentent un atout significatif pour enrichir nos connaissances de la cathédrale. Transportés dans un centre aménagé par l’établissement public pour garantir leur bonne conservation, ils sont minutieusement triés et analysés dans le cadre d’un chantier scientifique mené sous l’égide du ministère de la Culture et du CNRS regroupant des disciplines variées et complémentaires : archéologie, conservation, archéodendrométrie… Ce travail considérable représente déjà de remarquables avancées pour la science, à même de nous éclairer sur la façon de mener la restauration le plus dèlement possible. Nous mesurons chaque jour à quel point il est essentiel de renforcer toujours plus nos connaissances sur la cathédrale et son histoire pour pouvoir l’emmener avec humilité et détermination sur le chemin de sa renaissance.