Du rififi avec le nouveau DPE

Lancé le 1er juillet 2021, le nouveau diagnostic de performance énergétique devait être l’outil par excellence de la rénovation énergétique. Sa vocation était d’une part, livrer un état des lieux fiable de la consommation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre des biens immobiliers et d’autre part, porter des recommandations de travaux pour effectivement redresser la performance et améliorer le classement des logements.

Les retours d’expérience laissent entrevoir une dégradation des classements énergétiques du parc de logements français. « Nous avions anticipé que 40 % des logements changeraient de classement avec le nouveau DPE. Mais les calculs théoriques prévoyaient qu’il n’y aurait pas plus de logements très énergivores. Ce n’est pas du tout ce que nous constatons sur le terrain. » s’alarme Jean-Marc TORROLLION, Président de la Fédération nationale de l’Immobilier. « Le nombre de logements F et G, impactés les premiers par les obligations issues de la loi Climat et résilience, est en train de doubler. ». L’UNPI, la FNAIM et l’association Plurience rappellent ensemble que leurs alertes n’aient pas été entendues lors de l’examen de la Loi Climat. Voter le calendrier sans connaitre la réalité du parc, c’était jouer avec le logement des Français. « La Loi a été votée : elle lance un compte à rebours inéluctable, qui impacte directement tous les Français locataires. Sans changement à très court terme, 1 ménage sur 4 verra son logement frappé d’une interdiction de location de son logement d’ici 2034 ! » observe Christophe DEMERSON, Président de l’Union nationale des propriétaires immobiliers.

Du côté des diagnostiqueurs, la sonnette d’alarme avait, aussi, été tirée. Forts des nombreuses remontées de leurs adhérents depuis le 1er juillet, l’Union des Syndicats de l’Immobilier (UNIS), et la Fédération Interprofessionnelle du Diagnostic Immobilier (FIDI) ont dressé un constat identique d’insatisfaction. La FIDI a pu dénombrer et expliquer concrètement les éléments conduisant aux écarts très importants des résultats du nouveau DPE par rapport à la réalité terrain et à la version précédente. Ces éléments ont fait l’objet d’un échange récent avec la Direction de l’Habitat, de l’urbanisme et des Paysages, ministère de la Transition écologique et solidaire (DHUP).

Deux causes sont probables. Le calcul du coût des consommations, par tranches, ne correspond pas à la réalité. En électricité, pour un nombre de kWh donné, l’erreur est de plus de 30 % par rapport au coût réel du kWh. Certains paramètres du moteur de calcul liés aux habitudes de vie des occupants ont été fortement modifiés par rapport à la version précédente. Ils ne correspondent peut-être pas à la réalité du terrain. Ces nouveaux paramètres dégradent substantiellement l’estimation des consommations mais aussi la note du DPE. En outre, des thermiciens ont relevé des problèmes concrets, qui dégradent significativement la note. En plus des changements sur la ventilation par ouverture de fenêtre, il semble qu’il y ait un problème sur le calcul des débits d’infiltration qui donne des déperditions quasi 10 fois plus importantes que la version précédente.
Le calcul des consommations des auxiliaires de bouclage pour un appartement en immeuble collectif semble incohérent (les pompes consomment quasi autant que le total ECS).
En faisant un comparatif entre la V2 et la V3 avec les mêmes déperditions (enveloppe identique), on obtient beaucoup plus de consommation. Pour l’estimation du confort d’été, si la fenêtre des toilettes ne comporte pas de volet, l’estimation est dégradée quels que soient les autres paramètres.

Après avoir entendu l’ensemble des remarques, le ministère du Logement vint de demander aux diagnostiqueurs de suspendre la réalisation du DPE pour les biens construits avant 1975. Seuls les DPE règlementaires vont être produits pour ne pas stopper les ventes et mises en location urgentes de biens d’avant 1975. Cette consigne du ministère n’exonère pas le propriétaire / bailleur de son obligation de produire un DPE, qui doit être établi depuis le 1er juillet en V3. Mais il faudra vraisemblablement le rééditer après correction du logiciel. Les diagnostiqueurs peuvent continuer à aller collecter des données pour éviter un effet « bouchon » dans quelques semaines, mais ils doivent attendre une V3 corrigée pour effectuer les calculs et fournir le rapport. Il faut se préparer à rééditer les DPE V3 réalisés depuis le 1er juillet après correction des logiciels, dans l’esprit de service qui caractérise les diagnostiqueurs. Les modalités pratiques de cette réédition sont en cours de négociation avec le ministère.