Archéologie du bâti sur l’une des plus anciennes églises alsaciennes

L’église abbatiale Saint-Trophime à Eschau, dans les environs de Strasbourg, compte parmi les plus anciens édifices religieux encore conservés en Alsace. Attestée dès 778, cette église est reconstruite à la fin du Xe siècle et bénéficie aujourd’hui d’un programme de rénovation porté par la Commune d’Eschau avec le soutien notamment de la Fondation du Patrimoine. Dans le cadre de ces travaux et sur prescription de l’Etat, une intervention archéologique sur les façades extérieures et les toitures de l’édifice, est réalisée par une équipe de l’Inrap. Cette opération qui vise à retracer l’histoire architecturale de l’édifice durera une trentaine de jours au total. Elle se déroulera en trois phases, en décembre 2020, au printemps et durant l’été 2021, suivant l’avancement des travaux.

L’intervention archéologique en cours à Eschau suit la méthodologie propre aux études de bâti. Le décrépissage de l’édifice et la présence d’un échafaudage permettent d’accéder au plus près des maçonneries et d’en comprendre les agencements. Grâce à la photogrammétrie, une méthode d’enregistrement numérique, un relevé photographique redressé de l’ensemble des façades mises à nu peut être réalisé. Ces relevés servent ensuite de base graphique sur lesquelles sont replacées les observations et les descriptions minutieuses réalisées sur les maçonneries. Ces observations visent à détecter les différentes phases d’évolution du bâtiment et, au sein de chacune de ces phases, d’en décrire les caractéristiques constructives (types de matériaux employés, modes de mise en œuvre…) et stylistiques. La datation de ces différentes phases résulte du croisement entre ces caractéristiques, les données historiques et les éventuelles analyses complémentaires comme la dendrochronologie. Le décrépissage a révélé la présence d’éléments en bois ancrés dans les murs : des boulins, correspondants aux reliquats des échafaudages ayant servi à la construction de l’édifice, mais également les châssis de deux fenêtres. Les prélèvements dendrochronologiques réalisés sur ces éléments devraient permettre de dater avec précision les phases incluant ces bois.

L’étude archéologique en cours a d’ores et déjà permis d’identifier au moins cinq phases principales dans l’évolution de l’édifice et notamment d’appréhender la phase de construction attribuable à l’an Mil. Celle-ci se caractérise par une maçonnerie réalisée en petit moellons de matériaux hétérogènes (calcaire, grès, basalte…) qui réemploie ponctuellement des terres cuites architecturales d’époque gallo-romaine. Les chaînages d’angle sont réalisés avec des blocs de grès rose taillés, finement décorés ; ils sont caractéristiques du début du XIe siècle. Plusieurs fenêtres régulièrement disposées et ultérieurement murées ont également été identifiées. Les relevés photogrammétriques permettront de proposer une restitution de l’état d’origine des façades et de la distribution des ouvertures. Deux importantes phases de remaniement du bâtiment sont attribuables au XIIe siècle et à l’époque gothique (reconstruction de la façade ouest de la nef aux XIIIe-XIVe siècles). Des modifications plus ponctuelles ont également eu lieu à l’époque moderne (XVIe- XVIIIe siècles).

En 2021, la poursuite de l’étude concernera le chœur, les deux bras du transept et les bas-côtés de l’Abbatiale et permettra de finaliser cette étude d’archéologie du bâti.

Aménagement : Commune d’Eschau
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Grand-Est)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Boris Dottori, Inrap

Photo : Boris Dottori, Inrap