Dégradation économique et démographique, périurbanisation, dévitalisation des centres-villes, friches industrielles… Les petites et moyennes communes françaises cherchent des solutions à ces maux connus et reconnus depuis de nombreuses années. Pour certaines, une nouvelle dynamique s’amorce grâce au patrimoine : pas seulement monumental, mais aussi celui des savoir-faire,
du bâti vernaculaire agricole et paysager. Un moyen de préserver un cadre de vie qualitatif ?

Dossier réalisé par Orianne Masse

PATRIMOINE ET PROXIMITÉ

Fabien Sénéchal, architecte des Bâtiments de France dans le Finistère, assume depuis 3 ans la présidence de l’ANABF, Association nationale des architectes des Bâtiments de France, laquelle rassemble 180 architectes des Bâtiments de France, fonctionnaires d’État représentant 101 Unités départementales de l’architecture et du patrimoine (Udap) sur le territoire français : des acteurs essentiels dans la préservation et la mise en valeur du patrimoine.

Entretien avec Fabien Sénéchal, président de l’Association nationale des architectes des Bâtiments de France

Atrium Construction Comment s’organise votre action auprès des petites et moyennes communes ? 

Fabien Sénéchal – Les 180 ABF sont répartis, avec leurs équipes, dans des départements aux situations diverses, certaines zones étant plus en difficulté que d’autres. Nous sommes en priorité sur le terrain et assumons un rôle de relais auprès des collectivités territoriales. Nous délivrons des avis sur les demandes d’autorisation d’occupation du sol (permis de construire, déclaration préalable, etc.) ayant pour objet de modifier les espaces protégés par le Code du patrimoine ou par le Code de l’environnement : ce qui représente près de 20 000 municipalités en France et donc une grande partie de zones rurales. Nous leur apportons de l’ingénierie, un regard, une expertise distanciée du contexte. Les sujets patrimoniaux et urbains sont les moins connus des petites communes, notre soutien se concentre donc sur ces thèmes.

Quelles DIFFICULTÉS touchent ces zones souvent rurales ?

Dans les petites et moyennes communes, les questions de dévitalisation des centres-villes par la perte d’habitants et de commerces ainsi que l’étalement urbain sont les plus fréquentes. Sous la pression financière et foncière, des constructions sont réalisées sur des terres agricoles plutôt qu’en centre urbain, car cela est plus rentable : le terrain est moins cher, le coût des travaux neufs est plus facilement maîtrisable. Cela conduit à la création de lotissements complètement coupés de leur centre-ville, qui du même coup perd ses services et ses commerces… Pour aggraver ce phénomène, les travaux dans l’ancien sont souvent synonymes de réhabilitation lourde : difficile de ne pas toucher à la structure, à la plomberie, à l’électricité et à l’isolation, sans compter les découvertes fortuites… Ajoutons au tableau une TVA à 20 % : tout cela décourage souvent les collectivités et les particuliers d’entretenir leur patrimoine en centre-ville.

Faut-il envisager une approche plus intercommunale ?

Une approche plus globale pourrait bien sûr favoriser un aménagement du territoire concerté et réfléchi. Nous avons les lois adéquates, la loi SRU puis Alur ; ces dispositifs sont pertinents, mais on s’aperçoit que les élus ont du mal à construire cette réflexion, cette collégialité d’ensemble. À qui la faute ? En partie à ces mécanismes très individualistes, et aussi souvent à la qualité des études urbaines qui construisent les pays. On n’accorde pas assez de budget à l’élaboration des Scot et des PLU.